lundi 14 décembre 2015

L'allaitement long expliqué à mon psy (2)

L'allaitement long pas seulement 




J'ai pris le temps de lire le livre d'Agnès Vigouroux que je vous présentais dans un article précédent.

Au départ, je dois dire que j'ai été un peu rebutée par le langage très psy justement des premières pages. Mais c'est finalement très finement qu'Agnès démonte une à une les "légendes urbaines" de nos psychologues / voisins / belle-mère préférés.

Elle y parle de Freud, et de sa vision de l'allaitement, vision très charnelle et qui pourrait être interprétée comme "mauvaise". Mais elle souligne aussi que dans certains de ses écrits Freud parlait de l'allaitement du bambin, quand ses dents poussent... l'allaitement du bambin et du jeune enfant était donc naturel pour Freud. Comment aurait-il pu en être autrement ? Les biberons en étaient encore à leur balbutiements ...


Je suis très enthousiaste sur ce livre, car j'y ai aussi appris des choses sur la physiologie, comme l'âge du sevrage naturel - entendre physiologique - (par comparaison avec les autres peuples sur terre qui le pratiquent, ceux qui l'ont pratiqué par le passé, et les mammifères dans leur ensemble). Elle indique donc que le sevrage naturel se fait entre 5 et 7 ans, ce qui s'est passé finalement chez nous, du moins pour les deux aînés. Non négligeable également, j'ai appris que l'OMS avait produit en 2006 de nouvelles courbes de poids qui englobait les enfants allaités et faisait même d'eux "la référence santé" ! (petit message subliminal à tous ceux et toutes celles dont les enfants ne rentrent pas dans les courbes du carnet de santé français !!)

En lisant ce livre, j'ai aussi découvert quelque chose de stupéfiant qui me semble essentiel au sujet de l'accouchement. Et c'est finalement logique quand on y réfléchit avec le bon sens : lors des minutes qui suivent l'accouchement, il est coutume dans nos hôpitaux modernes de laver, peser, mesurer le bébé, voire même de le mettre 'au chaud' sous une lampe chauffante s'il est jugé avoir été un peu fatigué (!) par cette naissance. Rendez-vous compte à quel point on vole des instants précieux ! Non seulement le lien d'attachement est impulsé par les premiers moments passés avec ce petit être en peau à peau, mais la maman qui n'a pas son bébé sur son ventre à ce moment là va voir monter en elle le processus physiologique du deuil : en effet, pour un mamifère, si la maman n'a pas son bébé contre elle après l'accouchement, c'est qu'il est mort !! Il est donc suspecté que le baby blues, les problèmes d'attachement, le lien olfactif qui s'ensuit soit endommagés et qu'il faille ensuite un temps variable pour que le corps de la mère cesse d'être "physiologiquement en deuil" !!

Et puis il y a quelque chose d'important qui revient souvent dans ce livre : l'allaitement d'un enfant n'a rien à voir avec l'allaitement d'un nourrisson. Je souris en imaginant ma fille de 2 ans et demi téter tous les trois quarts d'heure comme elle le faisait à la naissance. Aujourd'hui elle tête souvent assise ou debout, ou en faisant des acrobaties d'ailleurs, seulement deux à trois fois par jour. Elle a mis en place ses petits rituels, moi aussi, ça n'a vraiment plus rien à voir. Je peux aussi lui refuser des tétées, lui demander d'attendre...

L'allaitement est une relation, il évolue au cours du temps. 
Je peux comprendre qu'on s'offusque si l'on imagine un grand de 5 ans téter comme un tout petit bébé... (à ce propos vous pouvez allez voir cet article sur la une du Times du 10 mai 2012)



Enfin Agnès assène un grand coup dans la fourmilière, en dénonçant le fait que selon la psychologie actuelle, si un enfant est laissé au sein, il reste bloqué dans ses apprentissages, et que ce serait grâce au sevrage que les parents le "pousseraient" d'un niveau d'apprentissage à l'autre. Comme si les enfants de 3 ans qui tètent encore ne pouvaient pas apprendre à marcher, à parler ou à manger seul !! Vu sous cet angle j'ai pu sentir à quel point cette idée était loin de la vérité physiologique des enfants.

Allaiter un enfant, ce n'est pas l'empêcher de grandir, c'est l'accompagner dans son autonomisation.

Alors oui, ce livre peut vous permettre d'avoir un belle assise quant aux demandes et aux questionnements de votre entourage. Il peut vous permettre d'avancer des arguments convainquants, construits et montrant que vous vous êtes penché sur la question.

Il faudra bien qu'il arrête quand même !


J'aimerais, pour finir, vous parler de la justification dont on fait justement notre bouclier protecteur, la plupart du temps, quand on a un mode de vie différent de notre entourage. Que cela soit pour l'allaitement, le mode éducatif, l'alimentation... tous ces sujets qui nous tiennent à coeur et qui éveillent des peurs et de la méfiance chez nos proches.

D'abord, est-on réellement entendu quand on commence une grande tirade du "mais-si-allaiter-c'est-bien-c'est-ce-qu'il-y-a-de-mieux-pour-mon-bébé-parce-que-le-lait-maternisé-c'est-du-lait-de-vache-c'est-pas-adapté" ?


Quand quelqu'un me pose une question qui me dérange :
- "Tu ne crois pas que ton fils est un peu efféminé parce que tu l'as allaité si longtemps ?"
- "Mais il faudra bien qu'il arrête un jour quand même, non ?!"
Voici le petit processus que j'ai mis en place : quand une remarque me chatouille, quand je sens la colère qui monte, ou la peur, quand je me dis "non mais quand même quel culot !", quand je n'ai qu'une envie c'est justement de déballer tout mon savoir pour faire taire l'autre, pour lui prouver que non je ne fais pas n'importe quoi, j'essaie de me taire.

Oui car la "normalité", les voies "naturelles", la "physiologie", c'est bien moi qui m'y suis penchée dessus, et qui en ait déduit un mode de vie que je pense être le plus "naturel" possible, avec les moyens qui sont actuellement à ma disposition. C'est bien moi qui suis normale, et c'est eux, ceux qui questionnent ma façon de faire, qui ne sont pas dans le "normal". Ils sont plutôt / souvent dans la sacro-sainte tradition, dans le "c'est comme ça qu'il faut faire / qu'on a toujours fait / que mes parents ont fait et je n'en suis pas mort", dans la reproduction passive sans questionnement.

Alors, plutôt que de me sentir attaquée, d'être sur la défensive, j'essaie d'être dans l'empathie, et je questionne à mon tour.
- "Ah bon, tu ne fais pas comme ça toi ?"
- "Tu penses qu'un enfant de 2 ans ne devrait pas téter ?"

J'enclenche le starter "Écoute active" et j'essaie de me connecter.
Je questionne et j'écoute, et je questionne encore jusqu'à ce que la personne en face, ce proche que j'aime, et qui probablement m'aime et me pose ses questions pour me faire part de son inquiétude somme toute légitime, déroule le fil de son argumentaire. Jusqu'au moment où, convaincue du bien fondé de sa peur, j'intègre sa remarque et je revois ma pratique, ou, la plupart du temps, au moment où il arrive à se contredire lui-même / exprime la peur qui se cache derrière et finalement l'amour qu'il a pour moi.

Ce n'est qu'arrivés à ce point, quand l'inquiétude est exprimée, quand l'argumentaire est épuisé, que je sors ma carte scientifique/physiologique/pratique pour le rasséréner. Et c'est d'ailleurs souvent les oreilles grandes ouvertes, puisqu'il a pu aller jusqu'au bout de sa réflexion et qu'il a été entendu, que mon auditeur reçoit le message et que la graine est (je l'espère) bien plantée.


Il ne s'agit pas de convaincre par la parole, mais par les actes. Donc souvenez-vous, quand on vous asticote sur les valeurs qui sont les vôtres, de poser à votre tour une question.

Nous n'avons pas à justifier nos pratiques ! Mais nous devons les partager pour les propager :-).